Dans mon éducation, mon entourage et ma communauté, lorsque j’étais plus jeune, la priorité était donnée à l’aspect pratique et extérieur. Bien faire ses 5 prières, en insistant sur des détails concernant la gestuelle et en faisant également des prières surérogatoires, savoir réciter le plus de textes du coran possible même lorsque l’on n’est pas arabophone, ne pas faire ce qui n’est pas permis (boire de l’alcool, vivre une relation avec une personne du sexe opposé hors mariage etc.), jeûner le mois du ramadan et même jeûner en d’autres occasions… Malheureusement, cet accent mécanique m’a amenée à un automatisme dans ma pratique sans lui donner de sens, ni de réflexion. Certains musulmans, bien souvent n’ayant pas même des connaissances approfondies de l’islam, ajoutaient même des interdits divers et variés sans même leur donner de raison, de signification ou de source.
J’entre de ce fait en un certain désaccord avec la manière dont on m’a enseigné l’islam. Je dirais même que, souvent, ça m’a complétement rebutée de la pratique et éloignée du sens et de la finalité que je donne à la religion, à savoir, s’améliorer constamment et avoir un bon comportement.
Le doute
D’après moi, la remise en question fait partie intégrante de la foi en Dieu. Je ne pense pas que l’on puisse croire en Dieu sans jamais remettre en question son existence. Je pense que pour avoir la foi, pour croire, il faut justement douter à certains moments – sinon, on est trop aveuglé par ses émotions et ses passions, ce qui mène à des dérives. Le Prophète Mouhammad n’a-t-il pas douté lui-même en ayant eu la Révélation alors même qu’il avait vu l’ange Gabriel et entendu des versets du coran, se croyant devenu fou ?
C’est difficile d’exprimer ses incertitudes par des mots. J’ai d’ailleurs de la peine à écrire à ce sujet tellement d’idées se bousculent dans ma tête. J’en ai presque un sentiment de gêne car ça touche à une partie intime de ma personnalité.
Lorsque je me retrouve seule, à aller me promener, à lire ou réfléchir dans mon coin sans personne autour de moi, sans séries ou émissions pour me distraire, c’est là que je me sens le plus proche de Dieu, que son Existence s’impose à moi comme une évidence. C’est quand je vois la beauté de la nature : les arbres, les différentes formes de feuilles, que je croise un chien qui court ou un chat qui vient ronronner à mes pieds, des canards qui voguent tranquillement sur le lac que je sens une Présence supérieure qui est à l’origine de toute cette splendeur. Ces moments ne sont pas faits de doutes mais de confiance et de sérénité et où j’ai besoin d’être au plus proche de ma foi.
Des valeurs et des gens
En ayant étudié ma religion, j’y ai trouvé des principes et des valeurs auxquels j’adhère et que je trouve magnifiques mais très exigeants tant ils touchent à quasi tous les aspects du quotidien que ce soit au niveau extérieur, dans la pratique, ou au niveau intérieur des intentions et des pensées : la paix, la dignité, la spiritualité, la solitude, la liberté, l'humilité, la maîtrise, la responsabilité, la tempérance, la douceur, le bien-être, la patience, le courage, la compassion, la famille, le voisinage, la justice, la générosité, la fraternité, la solidarité, le sacrifice, le respect, le pardon, la pudeur, la politesse. Tant de valeurs à développer, à analyser et à mettre en pratique.
Ces connaissances et cette vision de ma religion m’ont amenée à partir du principe que tout musulman partage ces mêmes principes, ce qui en ferait des individus extrêmement moraux. Vision bien simpliste et naïve qui m’a valu de violentes déceptions au fil des années. Combien de jugements, de rejets, de médisances, de leçons morales sans fin, de jalousie j’y ai trouvés. La déception s’est vite transformée en haine contre ma communauté et en doutes quant aux enseignements que l’on m’a inculqués et quant à la manière de pratiquer et d’appréhender l’islam.
Aujourd’hui, en prenant du recul, j’ai compris une chose qui paraît pourtant tellement évidente : des bons et des mauvais, il y en a partout…. Ou plutôt je dirais : des bons et des mauvais actes sont perpétués partout, qu’ils le soient au nom de la religion, de l’argent, de privilèges acquis, d’une vengeance, de la jalousie ou autre. Au final, ils sont présents peu importe où l’on va et c’est à chacun de trouver les ressources nécessaires pour y faire face et ne pas soi-même faire du mal à autrui.
Le sens
Donc… où est le sens ? Pour ma part, il est dans la quête de développer mes qualités et d’amoindrir le plus possible mes défauts. Il est dans ma conviction que je dois contribuer à la société dans son ensemble et non seulement au sein d’une communauté en particulier. Il est dans ma relation à Dieu, que je considère comme mon Guide, mon Créateur, mon Confident. Il est aussi dans les valeurs que je porte et dans ma relation aux
autres : dans le respect que j’essaie de leur porter, dans la politesse et les services que je peux rendre. Il est également dans ma certitude que des personnes me feront du mal mais que je devrai trouver la force en moi d’y faire face et que je subirai des épreuves tout au long de ma vie mais que ça passera et que de nombreux moments de joies, d’amour et sérénité se produiront encore.
Bien sûr, c’est une vision idéale et en pratique ce n’est pas aisé à appliquer. Je suis loin d’être parfaite ou d’y parvenir et il y a des moments où je perds le courage. Mais j’essaie et je pense que c’est ce qui fait toute la différence même lorsqu’on n’atteint pas le but final. Pour moi, le cheminement est clairement plus important que l’arrivée. C’est ce qui nous façonne et façonne nos actes. Quoi qu’il arrive on a tous et on aura toujours tous des démons contre lesquels il faudra lutter.
Prendre son chemin
La vie est parfois loin d’être facile. Entre les échecs, la perte d’un être cher, un événement traumatisant, les peines de cœur et le mal que l’on peut subir d’autrui, la vie a pour tout un chacun des épreuves en réserve. Chacun a sa manière de surmonter ces obstacles ou parfois n’en a justement pas et les conséquences peuvent être désastreuses. Personnellement, c’est ma foi qui m’aide à avancer. Ma foi en Dieu. C’est à travers Lui que j’arrive à ne pas perdre espoir, à avoir du courage, à continuer d’essayer lorsque j’échoue et à donner un sens à ma vie. Chaque jour j’essaie de garder en mémoire que le jour viendra où je devrais rendre des compte sur ma vie passée ici-bas.
J’ai des désaccords avec de nombreuses opinions fondées sur l’islam mais j’ai fait mon propre cheminement dans ma foi et je pense que chacun doit l’entreprendre en restant ouvert aux autres mais surtout en menant ses propres recherches, en questionnant, en critiquant, en réfléchissant. Je crois qu’aujourd’hui plus que jamais il est important de laisser chacun libre de ses choix, de ses croyances et dans sa manière de pratiquer ou non une quelconque religion.